jeudi 17 décembre 2009

CHIEN CHAUD

Voilà, c’est fait : nous sommes vaccinés…Injection sans douleur, pas d’effets secondaires, accueil sympathique, et pas d’attente puisque, dans notre créneau horaire, nous étions seuls. Le seul bémol est que nous avons été entendus par un médecin ne sachant s’exprimer qu’en espagnol…Heureusement que nous n’avons aucune difficulté dans cette langue, mais en est-il ainsi de tous les Français qui vivent au Panama ? D’autant que nous connaissons au moins 2 praticiens parfaitement francophones qui auraient pu être sollicités.

Comme la liste des courses était longue, que les bouchons sont permanents et qu’il fallait courir d’un bout de la ville à l’autre, nous avons sacrifié à la malbouffe avec un hot-dog mangé sur le pouce à la cafeteria de Price Smart, l’équivalent de Métro.

Le mot « dog » qui signifie « chien », a été utilisé comme le synonyme de saucisse en anglais depuis au moins 1845 et fut associé à la légende urbaine qui courait selon laquelle les chiens errants servaient de matière première à moindre frais pour les charcutiers londoniens. Les émigrants allemands et anglais vont assurer son succès aux USA, mais il faut attendre 1867 pour qu’un boucher allemand, Charles Feltman, vende ses saucisses dans une petite charrette dans l’état de New York.

Le terme « hot dog » apparaît officiellement en 1884. Si, à l’origine, le hot dog était seulement la saucisse, c’est finalement le sandwich tout entier qu’il va désigner. La recette est fixée : c’est un petit pain brioché allongé fourré d’une saucisse pochée ou cuite à la vapeur, accompagnée de moutarde (type picallili sans les légumes), ketchup, relish (cornichons hachés), oignons (finement ciselés), choucroute (cuite à la vapeur), mayonnaise, ensemble ou séparément.

Au cours du XXème siècle, malgré ses origines européennes, le hot dog va être largement diffusé comme un produit typique de la culture américaine. En 1939, le Président Roosevelt, désireux de leur faire découvrir quelque chose de vraiment local, offrit au roi Georges VI d’Angleterre et à la reine Mary un pique-nique de hot-dogs : le roi en reprit même un deuxième ! Aux Etats-Unis justement, il est en vente partout et les Américains en consomment en moyenne 70 par an, ce qui, soit-dit en passant, représente 1 hot-dog midi et soir pendant 2 mois et demi…

Si la forme de la saucisse, longiligne et d’environ 15cm de longueur, reste commune, son contenu fluctue en fonction de variations régionales, culturelles, voire même religieuses. C’est en général une saucisse de porc, mais on la trouve au poulet ou à la dinde dans les pays musulmans, au tofu au Japon ou pour les végétariens ; la viande est émulsionnée pour obtenir une texture dense ; quand au boyau d’origine, il a peu à peu disparu au profit du collagène et aujourd’hui, le knack est enveloppé dans un étui plastique résistant à la chaleur et que l’on ôte après cuisson. Enfin, aucune illusion, la belle couleur est obtenue grâce à un colorant. Les saucisses sont conditionnées en packs et sous vide. Si, en France, la taille est unique, on trouve ici une saucisse jumbo qui s’approche des 30 centimètres et qui déborde largement du pain.

Parlons justement du pain : l’avantage du pain brioché est d’avoir une mie serrée et spongieuse. Les Français sont le seul peuple à préparer des hot-dogs avec la baguette, mais, en matière de pain, nous ne recevons de leçons de personne, n’est-ce-pas ?

Il y a 2 écoles pour préparer le pain :
-le « pain fendu » où le pain est coupé dans la longueur pour prendre la saucisse en tenaille.
-le « pain à trou » où une broche longitudinale évide un tunnel dans lequel s’insère la saucisse.

Ce détail technique a son importance pour plusieurs raisons : d’abord, c’est une question de préférence pour les amateurs. La technique pour déguster son hot-dog est différente selon que la garniture, bien fournie, risque de vous dégouliner sur les doigts (et accessoirement sur les vêtements), ou si, en voulant manger proprement, l’option « pain à trou » vous prive d’un riche accompagnement…
La deuxième raison est que la présentation du pain va déterminer la fabrication industrielle des machines à hot-dogs. Les petits chariots au coin des rues, les kiosques et baraques à frites, ainsi que les cafeterias vont s’équiper plus volontiers du système « pain fendu » pour mieux affiner le processus de cuisson et maintien au chaud des saucisses qui roulent sans fin sur des tubes chauds.
Au contraire, le système du pain à trou équipe le petit appareil électroménager destiné à une consommation familiale, hérissé d’une ou deux broches reliées à une résistance qui va chauffer l’intérieur du pain, tandis que les saucisses sont exposées à la vapeur dans un bol transparent.

Ainsi, à partir d’un produit simple, nous pouvons observer toute l’imagination et le travail déployés pour arriver à un petit en-cas...

La langue n’est pas en reste : le hot-dog, dans son voyage autour du monde, connait bien des versions langagières, accompagnées de certaines caractéristiques locales. Les Québécois, contrairement aux Français, ont résolument banni le « hot-dog » pour le remplacer par le « chien chaud » qui en est l’exacte traduction.
Mais c’est peut-être en Amérique Latine que le hot-dog s’est le plus transformé. Ainsi, au Salvador, il devient un « chorys chevere » avec des piments jalapeño (estomacs sensibles s’abstenir !). Au Guatemala, avec de l’avocat et de la salade de chou, il devient un « shuko ».
Au Mexique, le pain est remplacé parfois par une quesadilla, crêpe au maïs. Au Venezuela, on le garnit avec des pommes de terre et des carottes râpées et une sauce à l’ail, mais, comme en Espagne, on l’appelle par la traduction mot à mot « perrito caliente ».
Quant au Panama, dû à près d’un siècle de présence américaine, le hot-dog est conforme à la tradition, mais ceux qui ne truffent pas stupidement toute conversation d’un sabir anglo-espagnol (avec l’accent américain !), l’appellent un « choripan », contraction de « pain-saucisse ».

Le hot-dog de Price Smart est, de loin, le meilleur de Panama. C’est une nourriture rapide, pleine de mauvaises graisses, pas du tout équilibrée, mais parfaitement délicieuse et régressive puisqu’on peut même s’accorder en toute bonne conscience le plaisir de se lécher les doigts…