dimanche 8 novembre 2009

HISTOIRES DE POULET

Si l’on veut trouver une source de protéines universellement appréciée et sur laquelle, à ma connaissance, ne pèse aucun interdit religieux particulier, c’est bien le poulet. En France, Henri IV avait déjà l’ambition de mettre une poule chaque dimanche à la table de tous ses sujets. Quelques siècles plus tard, après l’horreur du poulet aux hormones dénoncé par Jean Ferrat, nous sommes revenus à plus de raison et nous sommes prêts à payer des sommes conséquentes pour déguster une poularde de Bresse, accommodée par exemple en demi-deuil, avec des lamelles de truffe glissées sous une peau craquante et savoureuse…

Trois poulets sont restés dans ma mémoire, chacun rattachés à des endroits particuliers…


Nous avons eu la chance de vivre dans les années 80 à Berlin Ouest, quand le Mur entourait un îlot de liberté au milieu de la grisaille, de la tristesse et de l’oppression. Emblème de cette société qui vivait dans la frénésie pour oublier l’enfermement, le KaDeWe (Kaufhof Des Westens), plus vaste magasin d’Europe à l’époque, offrait 8 étages de produits de toutes sortes, mais le dernier donnait le tournis : une orgie de victuailles plus alléchantes les unes que les autres, des huîtres en dégustation aux caviars les plus raffinés, saumons frais et fumés, fruits séchés les plus rares, épices exotiques, une brasserie en propre, une cave à vins étourdissante et une boulangerie Lenôtre où tous les fous de pain n’hésitaient pas à faire la queue pour payer une baguette plus de 3 DM !!



On y trouvait également à emporter un poulet rôti hors concours, que l’on nous servait dans un sac en papier recyclé (les écolos étaient déjà très actifs à cette époque en Allemagne). Ce poulet rôti dégageait un parfum extraordinaire et nous en sucions les os avec le regret de ne pouvoir les manger…


En 2000, sur une plage de Koh Samui, en Thaïlande, deux femmes arpentaient la plage tous les jours vers midi, chargées de 2 paniers accrochés à un grand bâton à cheval sur leurs épaules ; dans un panier, il y avait un brasero au charbon, et dans l’autre, des petits récipients avec des piments, des épices, des petites bananes, des morceaux d’ananas et du poulet débité que nous commandions pour une poignée de baths. Ce poulet brûlant, épicé, mangé sur le pouce à l’ombre d’un acacia, sur le sable aveuglant de blancheur, a gardé pour toujours un goût de vacances exotiques…

Le troisième poulet, c’est le poulet panaméen. C’est ici la viande la plus consommée, et de loin. Peu cher, le poulet fait partie des « platos fuertes »et du « sancocho ». Même McDo a dû l’inscrire à son menu, en pièces panées, que les clients préfèrent au Big Mac. Nous sommes allés aujourd’hui déguster un demi-poulet frit chez Don Chacho. Ce poulet est exceptionnel : absolument pas gras, enrobé dans une croûte faite de farine aromatisée au « sazonador de pollo » dans lequel on distingue l’ail, le curcuma, le clou de girofle et d’autres poudres indeterminées. Sous sa gangue dorée, la viande est savoureuse, moelleuse, fondante : pour 4 dollars, avec de simples frites, c’est un plat de roi…