lundi 9 novembre 2009

L'AMI YA BON

Certaines marques restent inévitablement associées à notre jeunesse et leur simple évocation nous ramène au temps insouciant des marelles, de l’ardoise à craie, des socquettes blanches et des genoux couronnés de mercurochrome. Carambar et fraise Tagada s’invitent dans nos souvenirs avec un goût d’enfance. Il en est de même pour un produit à l’histoire unique dans le marketing français : Banania.


En 1912, un journaliste, Pierre Larsdet, découvre aux confins du Costa Rica une boisson à base de chocolat, farine de banane et céréales. Conquis par ses qualités nutritives et reconstituantes, il dépose le brevet en France e et se lance dans la commercialisation le 31 août 1914 sous le nom définitif de Banania.

Dès 1915, le tirailleur sénégalais qui bénéficie d’un fort capital de sympathie dans le cadre de la Grande Guerre, est choisi comme symbole : le contexte colonial s’y prête avec le chocolat déjà bien présent dans les foyers français et les bananes qui, depuis 20 ans, arrivent des Antilles. Le coup de génie sera d’envoyer au front 14 wagons estampillés Banania pour « réconforter nos soldats ».
                        
Le slogan « Ya bon Banania » est lancé lors de l’exposition coloniale de 1931 et jamais la production ne s’arrêtera, pas même pendant l’occupation allemande. L’emballage va évoluer de nombreuses fois, à la faveur des innovations techniques de conservation, mais la recette reste inchangée.

Pourtant, la marque va être souvent vendue et revendue, jusqu’à appartenir au géant américain Unilever.
A partir des années 70, de nombreuses voix vont s’élever contre le stéréotype du bon Noir, grand enfant au sourire niais qui s’exprime dans un français approximatif. Ce sont surtout des associations antillaises, guyanaises et réunionnaises qui évoquent des relents coloniaux et racistes.

Peu à peu le tirailleur est stylisé puis disparaît, et le slogan sera définitivement retiré en 2006 dans le but de donner une image politiquement correcte. Mais déjà, Banania est depuis longtemps attaqué par la concurrence de Nesquick et Poulain.
                       
Qui d’entre vous ne se souvient d’avoir mis en douce plus de cuillérées de poudre que Maman ne le permettait, pour avoir le plaisir suprême de savourere, après avoir tout bu, la couche épaisse et onctueuse de chocolat non fondu au fond du bol ?


D’autres se rappellent le verre de lait et la tartine du goûter beurrée saupoudrée de Banania au retour de l’école. Mais ce qui reste le plus, c’est autour du chocolat, la gamme inventive et fournie de tous les accessoires et gadgets estampillés Banania que nous avions à cœur de posséder : le bol bien sûr (pas de mug à l’époque), mais aussi le thermomètre, la trousse, la petite cuillère ou la boîte en fer pour y ranger nos trésors.
                     
Aujourd’hui, nous préparons nos chocolats régressifs avec du bon chocolat noir (au moins 70% de cacao), y ajoutons peu de sucre (par souci paradoxal de préserver notre ligne !) et parfois de la cannelle, du poivre ou un nuage de Chantilly pour plus de sophistication.

La cérémonie de la chocolatière, du moussoir et des muffins ou scones en accompagnement nous font croire à un raffinement de grandes personnes, quand nous courons en fait derrière un temps révolu….