lundi 9 novembre 2009

LE FLEURON DE L'OEUF

                   
Pour répondre à la provocation d’un invité qui voulait minimiser sa découverte de l’Amérique en déclarant qu’il suffisait d’y penser, Christophe Colomb le défia en lui demandant de faire tenir un œuf debout dans sa coquille. Le critique ne réussit pas: alors, Colomb écrasa légèrement le bout de l’œuf et s’écria : « il suffisait d’y penser ! ». De là vient l’expression « simple comme l’œuf de Colomb ».


Parmi les différents concepts que l’homme a imaginés pour concevoir le principe créateur, l’œuf est au premier rang. L’œuf est le Tout contenu dans une coquille : le Yin et le Yang pour les Chinois, la Terre et le Ciel pour les Indiens. L’œuf est le symbole de la renaissance, du réveil de la nature et de Pâques pour les Chrétiens.
Pour assouvir ses envies d’œufs à la coque et de meringues, Louis XV avaient fait aménager les combles de Versailles en poulaillers pour fournir les coquetiers royaux. Les Parisiens triés sur le volet et la Cour assistaient au repas du roi pour l’admirer en train de découper le bout de l’œuf avec adresse tandis que le héraut annonçait : »Attention ! Le roi va manger son œuf ! ».

Cocorico ! Les poules françaises sont les meilleures pondeuses d’Europe avec 15 milliards d’œufs par an.
                        
Faut-il rappeler que l’œuf est un cocktail de vitamines (A, E, B12), de minéraux et d’oligo-éléments tels que fer, phosphore et magnésium. ? Le blanc contient des protéines et le jaune des lipides.


Si nous ne sommes pas les plus gros consommateurs du monde d’œufs (ce sont les Chinois et les Japonais), nous avons en revanche l’exclusivité de l’œuf mangé « à la coque », c'est-à-dire dans sa coquille. L’œuf, cuit de cette manière, conserve toutes ses qualités nutritionnelles et même le rend parfaitement digestible ; c’est sans doute pour cette raison que le jaune d’œuf est la première protéine que l’on propose à un bébé après le sevrage et l’introduction des légumes et des fruits.

La tradition veut que l’œuf à la coque soit parfait après 3 minutes de cuisson. Il y a beaucoup à dire là-dessus. Cela suppose d’abord que l’œuf est à température de la pièce, qu’il soit de taille moyenne et que le temps soit compté à partir de la reprise de l’ébullition. Enfin, le goût personnel peut varier : personnellement, j’aime le blanc plutôt cuit et pas coulant.

Le monde, dit-on, se divise en 2 catégories : ceux qui mangent l’œuf à la coque par le gros bout et ceux qui le mangent par le petit bout. Stratégiquement, le gros bout décapité s’accommode bien du trempage des mouillettes et évite les débordements. La dégustation par le petit bout prolonge le plaisir.
                      
C’est au XVII° siècle que le coquetier s’impose sur les tables. Cette forme de présentation est typiquement française, même si elle a été depuis beaucoup copiée. Le coquetiphile (collectionneur de coquetiers) recense 4 modèles principaux de coquetiers : ceux à pied, ceux avec une soucoupe dite « ramasse-coques », ceux doubles, appelés diabolos, et enfin les formes, représentant des animaux, personnages et autres. Notons que les Scandinaves ne se déchirent pas sur les extrémités puisqu’ils disposent de coquetiers horizontaux où l’œuf se déguste …sur le côté !!!


Un œuf frais de la ferme pondu par une poule nourrie au maïs (non transgénique), ce qui va donner un jaune bien soutenu, presque orangé, une cuisson parfaite, des mouillettes taillées dans un bon pain de campagne ou une excellente baguette, avec du beurre demi-sel, un joli coquetier… un œuf à la coque est un mets de roi à portée de toutes les bourses.

Quelques grains de caviar, soyons fous, ou d’œufs de lump, plus modestes, un asperge dodue en guise de trempette, une lamelle de truffe, un pain aux cèpes, des gressins au parmesan transforment cette recette simplissime en plaisir gastronomique !

Ayez la curiosité de regarder tous les instruments qui se sont développés autour de l’œuf à la coque. Au-delà du coquetier, vous trouverez, entre autres, le piqueur d’œuf qui libère la pression de l’air interne pendant la cuisson, le ciseau ou le toqueur qui décalottent l’œuf sans fioritures, le sablier, le présentoir à mouillettes, les cuillères minuscules qui évitent les débordements et les bonnets d’œuf qui gardent l’œuf au chaud.
                          
Deux petites remarques encore…Au XIX° siècle, les forains avaient coutume d’offrir comme lots dans les stands de tir des coquetiers en opaline. Le client adroit gagnait le coquetier, d’où l’expression déformée « gagner le cocotier ».


Il est d’usage de pulvériser soigneusement la coquille après avoir mangé son œuf. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’au Moyen Âge, on croyait que les sorcières venaient tourmenter les gens en voyageant dans les coquilles d’œuf vides.