Dans la compétition qui opposaient les déesses de l’Olympe, Pâris décerna le trophée à Aphrodite (Vénus) sous la forme d’une pomme pour la récompenser de sa beauté ; ce faisant, il s’attira les foudres d’Athéna et d’Artémis (Diane) et l’on sait quel en fut le résultat funeste pour Troie.
C’est encore une pomme d’or qu’Hercule arracha dans le Jardin des Hespérides.
Les dernières études montreraient qu’en fait de pommes, ce serait plutôt des coings et la confusion viendrait de leur autre nom « pomme de Cydonie »ou « pomme d’amour », cultivée depuis plus de 4000 ans et originaire de Perse et d’Anatolie. Les Romains considéraient ce fruit comme symbole de la longévité et du bonheur, aussi en offraient-ils aux jeunes mariés le jour de leur noce.

C’est donc sur un arbre rustique, le cognassier, qui sert le plus souvent de porte-greffe dans nos vergers, que pousse ce gros fruit jaune et duveteux. La chair très dure et âpre au goût fait qu’il est inconsommable cru. En revanche, il révèle bien des qualités à la cuisson.
Riche en vitamine C et surtout en fibres, il est laxatif et Don Quichotte ne manque pas d’en conseiller à Sancho Pança pour soulager ses troubles digestifs. Il a donc toujours été connu et utilisé ; la « marmelade » trouve son origine dans le nom portugais du coing « marmelo ».

Sa grande richesse en pectine en fait un allié précieux des confitures. Un nouet avec la peau et les graines plongé dans la bassine pendant la cuisson valent mieux que n’importe quel gélifiant. Quelques morceaux de chair renforcent le goût, grâce à sa saveur délicatement ambrée, et la couleur, car elle a la caractéristique de rougir à la cuisson.
Le coing n’est pas utilisé seulement dans les confitures et les gelées. Il est aussi un excellent accompagnement des viandes de chasse et entre couramment dans la confection des tajines. Enfin, on le distille pour en tirer une eau-de-vie et une liqueur très parfumées. J’ai même trouvé des crèmes de soin et des gels-douche au coing ! Pas étonnant puisque les Romains en tiraient déjà une huile essentielle utilisée en parfumerie.

C’est tout de même en pâte sucrée qu’il est le plus connu. Les Espagnols et les Sud-Américains consomment le « dulce de membrillo » avec le fromage, le matin au petit déjeuner. C’est la base du cotignac d’Orléans, pâte de coing molle et rouge, conditionnée dans une boîte ronde en écorce d’épicéa. Le cotignac est cité en référence, excusez du peu, par Rabelais, Nostradamus et Alexandre Dumas… La pâte de coing fait partie également des 13 desserts provençaux.
C’est à ce titre que je recherchais depuis un moment ce fruit au Panama. J’en ai trouvé par le plus grand des hasards dans une boutique chinoise et j’ai acheté tout le cageot.
Pour ne rien perdre, j’ai coupé les fruits en gros quartiers et congelé le tout dans des sachets plastique. Après en avoir cuit quelques-uns dans de l’eau un peu sucrée, j’ai prélevé les pépins et la peau que j’ai conservés à part pour de futures gelées.
J’ai alors broyé la pulpe et ajouté du suc en poudre (en même quantité), un bâton de vanille fendu et un petit jus de citron. Il faut ensuite tourner sans arrêt pendant la cuisson jusqu’à ce que la masse se détache de la bassine.
Il reste à couler la pâte dans un moule plutôt plat et tapissé de papier sulfurisé et mettre le tout au froid. Lors du démoulage, on peut couper en carrés réguliers et les rouler dans le sucre avant de les empapillloter dans du papier cristal comme des bonbons. Pour ma part, je les garde nature, c’est assez sucré pour moi. Pour Noël dernier, j’avais coupé la pâte de coing en tout petits rectangles que j’avais placés au fond d’un moule à mini-muffins et couverts d’un socle de pâte, façon Tatin.

La langue française ne lui rend pas justice car « être bourré comme un coing », c’est être complètement ivre. L’origine de cette expression est obscure : « bourré » fait-il référence à la bourre ou duvet dont se couvre le fruit mûr ? D’autres auteurs se rapprochent plutôt de la forme du fruit et du mot « rond » qui signifie aussi bien saoul. Un indice cependant : à l’origine, le cotignac se préparait ave des coings marinés dans du vin : se pourrait-il que l’ivrogne soit imprégné aussi bien que le fruit ?