Le livre de la Genèse raconte comment Esaü, affamé, renonça à son droit d'aînesse au profit de son frère Jacob contre un plat de lentilles. Cette mention biblique vaut aux lentilles le privilège d'apparaître comme l'une des légumineuses les plus anciennement utilisées par l’homme dans son alimentation.
Longtemps, la lentille a été le légume du pauvre et, avec l’élévation du niveau de vie et l’avènement des régimes amaigrissants, elle était passée de mode ; c’est le retour aux saveurs d’autrefois ajouté à la tendance bio qui l’a remise à l’honneur sur nos tables.

C’est pourtant un trésor alimentaire à ne pas dédaigner : riches en fibres, en protéines, en fer et en magnésium, c’est le plat idéal pour rectifier les carences d’une alimentation industrielle pas toujours maîtrisée. On la consomme beaucoup dans les pays pauvres en Afrique, en Inde, mais aussi en Amérique. Au Panama, elles constituent une alternative aux sempiternels haricots.
Il faut en planter des lentilles, pour en récolter ! Savez-vous qu’il n’y a que 2 malheureuses petites graines par gousse ! Heureusement, les petites touffes à tige très fines ne sont pas très exigeantes en matière de sol et de climat, demandant seulement du soleil et un minimum de pluie. Il en existe de nombreuses variétés :
- La lentille verte : c’est la plus répandue et utilisée en Europe, et celles du Puy en Velay et du Berry bénéficient d’une A.O.C. Savez-vous que, devant la dégringolade boursière de 1929, un député de la Haute-Loire, Philibert Besson, proposa d’instaurer le «Franc lentille », monnaie refuge indexée sur le cours des lentilles du Puy ? Vous savez ce qu’il vous reste à faire, si vous n’avez pas d’or sous votre matelas…
- La lentille rouge de Champagne reste du domaine du confidentiel puisque seulement 300 hectares sont consacrés à sa culture.
- La lentille blonde, plus grosse et plate, est cultivée en Amérique du Nord et en Turquie ; c’est celle que l’on trouve au Panama et qui remplace pour moi la lentille verte que les douanes saisissent systématiquement dans les bagages.
- La lentille Beluga : noire, elle a un goût plus sucré et se prépare surtout en purée car elle s’affaisse à la cuisson.
- La lentille corail, celle traditionnellement utilisée dans la cuisine indienne pour le fameux dahl, accompagnement idéal des curries

Aujourd’hui, la pluie associée au mois d’octobre donne envie de renouer avec ces plats bien revigorants qui marquent l’avènement de l’automne, même si, au Panama, les journées frisquettes n’existent pas. Mon cerveau doit être formaté à jamais pour ces plats chauds et réconfortants qui accompagnent l’arrivée des petits frimas.
J’ai donc préparé une potée de lentilles à la pointe de porc. Recette classique à base d’oignons et de tomates mijotant longuement avec la viande détaillée en cubes et une feuille de laurier. Je rajoute les lentilles cuites à la dernière minute. Variante panaméenne : j’ai ciselé un gros bouquet de cilantro ou coriandre en oreilles de lapin, ce qui a conféré une touche plus exotique, mais non moins savoureuse…

Quelques traditions restent attachées aux lentilles. Le 4 Décembre, jour de la Sainte Barbe, il est d’usage en Provence de planter du blé dans une jolie coupelle garnie de coton et arrosée d’eau tiède chaque jour. En l’absence de blé, et partout où j’ai vécu, je plante des lentilles qui germent en 2 ou 3 jours. Le bouquet de tiges drues est entouré d’un ruban rouge noué joliment et la coupelle se place à côté de la crèche. Signe du renouveau de la nature, c’est aussi un porte-bonheur pour toute l’année. Je me souviens également que ma marraine, je ne sais si elle continue aujourd’hui, se préparait chaque 1er janvier quelques cuillères de lentilles qu’elle dégustait pour ne manquer de rien durant l’année à venir…
