jeudi 10 décembre 2009

L’AIL, PANACÉE UNIVERSELLE

Il faut s’attendre à voir l’ail augmenter en flèche dans les prochains mois : sur les marchés de gros chinois (1er producteur mondial), son prix a été multiplié par 40 en un an et la médecine chinoise recommande sa consommation sans modération. La raison ? La grippe H1N1 qui a fait 200 victimes en Chine. Les cantines en constituent des stocks pour le distribuer aux enfants et les restaurateurs, en raison de son prix, n’offrent plus spontanément la petite coupelle d’ail haché à leurs clients. Le phénomène prend tant d’ampleur que les autorités ont démenti la croyance populaire selon laquelle il serait efficace contre la grippe. L’ail, comme le piment, le gingembre et la moutarde sont « yang », donc générateurs d’énergie et stimulent les fonctions vitales.

Originaire d’Asie centrale, l’ail est un des aliments les plus anciennement cultivés. Les Egyptiens le cultivaient largement : il est distribué gratuitement aux bâtisseurs des Pyramides, et le premier conflit social a sans doute pour origine la suppression de la ration d’ail aux ouvriers.
Les Grecs et les Romains en faisaient une grande consommation. Ulysse en mange pour ne pas être transformé en pourceau. Les Hébreux fuyant l’Egypte avec Moïse regrettent en pleurant leurs têtes d’ail.

Les croyances attachées à ce bulbe sont nombreuses et variées : on croit qu’il protège des serpents et de la folie, les femmes au moment de l’accouchement ; en Sicile et en Inde, il éloigne le mauvais œil surtout si on l’attache avec un brin de laine rouge. En Grèce, le simple fait de prononcer le mot conjure le mauvais sort. La légende de l’ail anti-vampires prend sa source dans la croyance que ces créatures détestent le goût que donne l’ail au sang. Enfin, les marins croyant que l’ail éloigne les tempêtes et les naufrages, il ne fallait jamais manquer d’en avoir à bord et c’est ainsi que l’ail arriva en Amérique latine.
                    
La science s’est tout de même penchée avec attention sur l’ail et lui reconnait des propriétés contre l’hypertension ; des études sont menées actuellement pour vérifier une éventuelle action contre certains cancers. Encore faudrait-il en faire une consommation journalière impressionnante qui ne manquerait pas de causer des désagréments. Aujourd’hui, les Français en consomment 800 grammes par an et s’il ne protège pas du virus H1N1, il a des avantages savoureux.

L’ail se présente sous plusieurs formes : entier, en tresse, confit, en saumure, confit, en poudre, rôti, fumé, il entre dans la composition d’innombrables recettes.

La plus typique est peut-être l’aïgo boulido, ce qui signifie littéralement « eau bouillie ». Cette soupe est souveraine pour les réveils difficiles après les fêtes et les repas surchargés. Dans un litre d’eau à ébullition, mettez 6 gousses d’ail épluchées et écrasées au mortier, avec 1 branche de sauge, 1 feuille de laurier, 1 brin de thym, sel, poivre et un filet d’huile d’olive. Faites cuire 10 minutes, enlevez les herbes et ajoutez en fouettant énergiquement un jaune d’œuf. Dans l’assiette, versez le bouillon sur des tranches de pain avec ou sans gruyère râpé.

Contrairement à ce que l’on croit, le véritable aïoli n’est pas une mayonnaise parfumée à l’ail. Il faut en fait écraser une pomme de terre cuite en purée, de l’ail finement ciselé et un jaune d’œuf et monter le tout au fouet avec de l’huile d’olive. Le résultat est une émulsion solide et riche en saveur. Le grand aïoli provençal comporte de la morue et divers légumes bouillis, dont des haricots verts et des betteraves, mais aussi des escargots et des œufs. C’est une des plats traditionnels de Noël en Provence.
                     
Quand on cuisine de l’ail, se pose toujours le problème de la mauvaise haleine. On peut retirer le germe vert que l’on retrouve dans l’ail âgé que l’on appelle l’ « indiscret ». Néanmoins, pour lutter contre l’haleine forte, rien ne sert de se brosser les dents car l’odeur vient des poumons et de l’estomac ; il reste toujours la possibilité de croquer un grain de café ou de sucer un bonbon à la menthe.

Peu d’expressions nous sont parvenues avec le mot ail et elles ont été remplacées par d’autres proverbes qui ont la même signification :
- « Le mortier sent toujours l’ail » signifie que l’on garde toujours les habitudes de son milieu d’origine et l’on connaît mieux « la caque sent toujours le hareng ».
- « Qui a de l’ail dans son jardin n’a pas besoin de médecin », ce que les Anglais ont traduit par « une pomme par jour éloigne le médecin ».

Il y a pourtant autour de l’ail une jolie histoire de langage. Les marchands d’ail des halles de Paris portaient à l’origine un tricot particulier fabriqué à Amiens appelé « gamesou ». Avec les années, la sueur et l’ail imprégné, le tricot gagnait en personnalité, et, par raccourcissement de la langue, « marchand d’ail » se transforma dès 1894, en « chandail ».
Notez que la création de ce mot étant tardive, le pluriel exceptionnel ail/aulx ne s’applique pas : on dit donc un chandail/ des chandails et pas des chandaulx.

Je garde pour la fin les petits ustensiles autour de l’ail. Nous connaissons tous le presse-ail qui nous donne tant de mal à nettoyer après usage. Il ya aussi la râpe à ail, petite coupelle de terre hérissée de picots. Mais il a fallu que j’aille aux USA pour découvrir un petit outil français génial qui épluche les gousses d’ail en un clin d’ail. Il consiste en un petit tube de caoutchouc souple ; il suffit d’y introduire la gousse, et d’appuyer doucement en roulant sur une surface plane. La gousse ressort bien nette, parfaitement épluchée…